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Janvier-Février 2025

Généalogie d'Henri Vincenot
Paysage d'Auxois, par Henri Vincenot

Paysage d'Auxois, huile sur isorel, 1972, collection particulière.

Introduction

Avertissement sur la méthode

   La méthode dite de Sosa a été adoptée pour une plus grande clarté et une meilleure navigation dans l’arbre généalogique d’Henri Vincenot. Elle consiste à attribuer aux ascendants masculins un chiffre pair, aux féminins, un chiffre impair, exception faite de l’individu numéroté « 1 » qui est Henri Vincenot lui-même. Chaque ascendant masculin a le double du numéro attribué à son enfant, les ascendants féminins ont le double plus un.

   Les ascendants d’Henri Vincenot seront nommés dans cet article par leurs noms suivis de leur numéro entre crochets. Les degrés d’ascendance sont matérialisés, dans l’arbre, par des pointillés pour faciliter la lecture et distinguer notamment les bisaïeuls des trisaïeuls.

    Les sources et documents des individus cités sont disponibles en annexes.

    Comme l'ensemble des illustrations et photographies du site, les arbres généalogiques "du narrateur de La Billebaude" et l'arbre d'Henri Vincenot "revu et corrigé" ne peuvent être réutilisés ou reproduits sans autorisation. Pour toute demande, merci de nous contacter.

Témoignage romanesque

   Dans le roman La Billebaude, le narrateur décrit par le nombre et le caractère les ancêtres qui l’entourent. Il dénombre : « [e]n tout : onze aïeuls[1] ». Dans l’épigraphe de son roman, Henri Vincenot assume l’ambiguïté générique de l’ouvrage. Entre roman et autobiographie, La Billebaude ressemble ainsi à un « témoignage tout chaud que vous pouvez tout aussi bien lire comme un roman » (p. 8). Cette ambiguïté générique provient notamment de choix narratifs – narrateur autodiégétique, recours nombreux au discours direct – et de la dimension ethnographique de l’ouvrage, sans même parler du contexte littéraire dans lequel sa publication intervient. Encadré par les parutions du Cheval d’orgueil, de Pierre-Jakez Hélias (1975), et de La Charrette bleue de René Barjavel (1980), La Billebaude s’inscrit dans un moment important pour les romans de « témoignage » d’enfance teintés d’ethnographie.​​​

Arbre généalogique du narrateur de La Billebaude

Arbre généalogique du narrateur de La Billebaude, réalisé à partir des énumérations de personnages.

   Il est donc tentant, au moment de l’énumération de ses aïeuls par le narrateur de La Billebaude, de considérer que leur description correspond à un « témoignage ». Par exemple, les passages consacrés à Tremblot et Sandrot, qui correspondent dans la réalité à Joseph Brocard [6] et Alexandre Vincenot [4], grand-père maternel pour le premier et paternel pour le second, reprennent des éléments biographiques véridiques. Tous deux sont nés « dans le même village perché de Châteauneuf » (p. 99) et Alexandre « avait fait la guerre de 1870 » (ibid.). Autre exemple, qui fait en quelque sorte figure d’effet de réel : le comte de Voguë, Arthur, et son petit-fils, Charles-Louis, qui sont cités et décrits (p. 36). Vincenot n’a modifié ni les prénoms, ni les noms, et mentionne le nom du village de Commarin à la clôture de l’excipit de l’ouvrage. Tout lecteur familier de cette partie de l’Auxois aura reconnu les comtes de Commarin, et les villages qui entourent le réservoir de Panthier.

  Pour toutes ces raisons – et sans parler des causes extérieures au roman, comme l’émission Apostrophes du 19 mai 1978, dans laquelle Bernard Pivot envisage apparemment La Billebaude sous l’aspect unique du témoignage – l’énumération des grands âges des aïeuls du narrateur peut sembler correspondre à la réalité généalogique du romancier, alors qu'il n'en est rien.

Les arbres généalogiques des biographies d’Henri Vincenot

Pourquoi se lancer dans un travail de vérification généalogique ?

   Il est important de mener ce travail généalogique pour plusieurs raisons : d’abord, établir de manière claire l’ambiguïté générique propre à La Billebaude. En somme, il s’agit de définir clairement le genre auquel se rattache le roman, pour éviter les écueils interprétatifs, qui le ferait envisager comme une autobiographie – premier réflexe qui suit sa lecture. Ensuite, parce qu’il est intéressant de déterminer les points communs et les différences qui existent entre les inspirations d’Henri Vincenot – sa famille, ceux dont on est certain qu’ils appartiennent à son entourage proche – et leur traduction littéraire, qui correspond finalement à ce que l’épigraphe du roman décrit comme « la campagne bourguignonne et l’Homme bourguignon » (p. 7) qui sont, du mot même de l’écrivain, des « personnages » (ibid.).

Arbre de Michel Limoges

 

   L’ouvrage de Jean-Louis Pierre, qui ne présente pas d’arbre généalogique, n’entre pas dans ce cadre. Paru en 1991, Vincenot la légende essai imparfait de biographie éclatée en onze chapitres et plusieurs divertissements, de Michel Limoges, est un ouvrage biographique qui se présente sous la forme d’un essai. Michel Limoges propose un retour schématique et daté sur les origines d’Henri Vincenot à travers un arbre généalogique inséré dans le deuxième chapitre du livre « L’enfant aux douze grands-pères[2] ».

Arbre de Michel Limoges

Arbre généalogique d'Henri Vicenot, tiré de Michel Limoges, Vincenot la légende, Laval, Siloë, 1991, p. 48-49.

   Cet arbre est présenté par Michel Limoges comme « établi par [Vincenot lui-même] pour l’auteur de cet essai en 1983 » (p. 47).  Alors qu’il semble, au début de ce deuxième chapitre, vouloir établir la différence entre la fiction romanesque et la réalité[3], Michel Limoges assume avoir « conservé volontairement les "erreurs" du manuscrit original » (p. 47). Il met en garde son lecteur : « Pour comprendre la raison (et la signification) de cette volonté de non-correction, on peut se reporter immédiatement à la postface » (ibid.). Dans la postface en question, Michel Limoges relate une anecdote qui fait état du rapport d’Henri Vincenot aux dates. Il faudrait, selon l’auteur, « être bien naïf, et donc un peu fou, pour prendre pour argent comptant l’arbre généalogique […] que l’auteur de La Billebaude nous a livré un jour, propre de toute rature » (p. 246). Un examen de l’arbre confirme rapidement les affirmations de l’essayiste. Il est néanmoins dommage qu’il n’en ait pas proposé une version revue et corrigée par ses soins. Les éléments qu’il met en avant, notamment dans la postface, n’en ressortiraient que mieux.

   Des erreurs de plusieurs natures doivent être relevées, et seules les informations afférentes à Henri Vincenot sont exactes. Les problèmes suivants se résument ainsi :

  • Sur quatorze membres de la famille d’Henri Vincenot, quatorze ont une ou plusieurs erreurs dans les dates de naissance ou de mort annoncées.

  • Huit ont une erreur à propos de leur lieu de naissance ou de mort.

  • Quatre ont une erreur dans leur nom ou prénom.

 

   Plutôt que de revenir en détail sur chaque cas, nous proposons d’examiner quelques exemples qui rendent comptent de la nature des erreurs répertoriées. L’état civil des personnes évoquées dans ces exemples est consultable en annexe. Enfin, une comparaison des données de cet arbre avec celles avancées dans la version vérifiée (consultable dans cet article) permet de mesurer les écarts entre les deux arbres.

Les erreurs au mois près

   Charles Vincenot [2], père d’Henri, serait décédé en décembre 1979. En réalité, le père de l’écrivain est mort le 28 janvier 1979. Dans le même esprit, Marguerite [3], sa femme, est décédée en décembre 1982, non en décembre 1983.

Les erreurs d’années

  À partir des grands-parents [aïeuls du deuxième degré], toutes les années annoncées à l’exception des dates de naissance de Joseph Brocard [6], grand-père maternel, sont inexactes. Alexandre Vincenot [4] est né en avril 1850, pas en avril 1851. Claude Brocard [12], arrière-grand-père maternel, est quant à lui né en 1826, pas en 1834. La plupart des erreurs de dates les plus importantes se rapportent à la mort des membres de la famille. Ce même Alexandre [4], grand-père paternel, est décédé en 1919, pas en 1943. Sa femme Céline [5] est morte en 1928, non en 1951.

   C’est sans doute là le point le plus important de ce travail de vérification généalogique. Le lecteur s’apercevra, en comparant l’arbre réalisé à partir de l’état civil à cet arbre non corrigé que les onze aïeuls du narrateur de La Billebaude ne partagent que certains surnoms de sept aïeuls que Vincenot connut dans son enfance. Alexandre [4] et Céline Vincenot [5], Joseph [6] et Valentine [7] Brocard, Étiennette Mallard (épouse Simon) [11], Anne Nief (épouse Brocard) [13] et Jeanne-Claudine Mallard (épouse Émonin) [15] ont connu leur petit-fils ou arrière-petit-fils. Ils sont décédés entre 1916 et 1955. On notera l’absence d’arrière-grand-père, contraire à la présence de « trois arrière-grands-pères » (La Billebaude, p. 45), trois « survivants de l’Ancien régime » (ibid.).

 

Les erreurs sur les lieux

    Le même Charles Vincenot [2] serait né à Vandenesse-en-Auxois. En réalité, il est né à Dole, mais ses parents ont vécu et sont morts – du moins son père – dans ce village de Vandenesse. Étiennette [11] est née à Commarin, pas à Créancey.

Les erreurs sur les noms

  Claude Simon s’appelle en réalité François Simon [10]. Il manque à Étiennette le nom de Mallard. Quant à Denis Vincenot et Catherine Garnier, ils ne sont tout simplement pas les arrière-grands-parents d’Henri Vincenot. À leur place auraient dû figurer François Vincenot [8] et Marie Gaillot [9]. Mais nous reviendrons sur ce cas plus en détail dans cet article.

 

Conclusion sur l’arbre de Michel Limoges

    Si, comme on l’a vu, Michel Limoges prend certaines précautions oratoires pour présenter cet arbre par les erreurs qui le caractérisent, il est possible qu’il n’ait pas pris conscience de tous les problèmes qui ressortent de ce choix de « non-correction » (p. 47). Par exemple il semble ne pas remarquer le problème de l’arrière-grand-père Denis Vincenot, qui ne l’est pas plus que sa femme n’est l’arrière-grand-mère de l’écrivain. Quand, page 53 de son ouvrage, Michel Limoges évoque les aïeuls masculins de la branche Vincenot, il ne fait pas mention de cette erreur sur la personne. Nous ne pouvons pas savoir si, fidèle au credo[4] qu’il s’est fixé pour son essai biographique, il laisse volontairement les erreurs apparaître pour montrer les aspects légendaires de cet arbre – mais sans les signaler toutes – ou si au contraire il ne s’est pas aperçu de l’ampleur et de la diversité du problème que cela pose.

Arbres de Claudine Vincenot

Arbre du Maître du bonheur

   Claudine Vincenot présente un arbre généalogique dans chacune de ses deux biographies. Elle n’en attribue pas la paternité à Henri Vincenot : le premier, dans Le Maître du bonheur[5], est même intitulé « La famille de Claudine Vincenot » (p. 13). Cet arbre ne présente que deux erreurs. Marie-Louise Maîtrejean (mère d’Andrée, femme d’Henri Vincenot) est décédée en 1975, non en 1973. Joseph Brocard [6] est, quant à lui, né en 1862, pas en 1861. Cinq ans après l’ouvrage de Michel Limoges, les dates correctes sont rétablies pour les parents, les grands-parents [bisaïeuls] – à l’exception des deux cas évoqués – et une arrière-grand-mère.

Arbre de Claudine Vincenot (Le Maître du bonheur)

Arbre généalogique d'Henri Vicenot, tiré de Claudine Vincenot, Le Maître du bonheur, Paris, Anne Carrière, 1995, p. 13.

Arbre de La Vie toute crue

 

   Différent du premier arbre de 1995, celui qui figure dans La Vie toute crue[6] est intitulé « Arbre généalogique d’Henri Vincenot des années 1840 au 21 novembre 1985 » (p. 18) et semble plus complet. L’idée n’est plus, comme dans le premier ouvrage, de présenter la famille à partir de Claudine Vincenot, mais de prendre Henri Vincenot comme point de départ.

    Il fallait donc que Claudine Vincenot présente les membres de la famille que son père a connus, ceux qui ont compté particulièrement ou qui sont évoqués dans la biographie. C’est chose faite : nous retrouvons les parents, les beaux-parents, les grands-parents, et même plusieurs arrière-grands-parents [bisaïeuls].

Arbre de Claudine Vincenot (La Vie toute crue)

Arbre généalogique d'Henri Vicenot, tiré de Claudine Vincenot, La Vie toute crue, Paris, Anne Carrière, 2006, p. 18.

Quelques erreurs de détails

 

  L’erreur du Maître du bonheur quant à la date de décès de Marie-Louise Maîtrejean est reproduite. Celle qui concerne Joseph Brocard [6] est présente et augmentée d’une coquille : les dates de son épouse, Valentine Émonin [7], lui sont attribuées.

    Manquent les dates de naissance et de décès des quatre arrière-grands-parents [trisaïeuls] cités. Cet arbre ne permet donc pas de savoir précisément lesquels des arrière-grands-parents cités furent contemporains d’Henri Vincenot. Si des éléments clairs et véridiques sont rétablis dans ces deux biographies, peu d’informations nouvelles sont apportées sur les ancêtres qui ont tant marqué Henri Vincenot. C’est sans doute en raison du parti pris par Claudine Vincenot, qui souhaite « proposer un va-et-vient constant entre l’écrit et le vécu, tant ces deux domaines, chez Vincenot, s’interpénètrent et s’alimentent l’un l’autre » (p. 13), et a ainsi recours à des passages des romans de son père pour illustrer des éléments biographiques. Signalons également une erreur sur Céline Simon (épouse Vincenot) [5], grand-mère paternelle d’Henri Vincenot, page 103 : « En 1923, à Vandenesse, la grand-mère Céline meurt d’une pleurésie […]. » Céline est en réalité décédée en 1928, comme Claudine Vincenot l’a noté dans l’arbre à la page 18 de son livre, et c’était à Dijon, non à Vandenesse.

Conclusion sur les arbres de Claudine Vincenot

    Plus complets – ils présentent quelques membres de la belle-famille de Vincenot – et sans trop d’erreurs, les arbres généalogiques réalisés par Claudine Vincenot se distinguent par plus de justesse dans la comparaison que l’on est tenté de faire avec celui que présente Michel Limoges. Cependant, ces arbres ne permettent pas de répondre entièrement aux besoins évoqués en introduction de ce chapitre, même si dans le texte, Claudine Vincenot décrit certains aïeuls avec plus de détails[7], quoique difficilement détachables des romans de son père. Le problème tient donc essentiellement dans les dates, qui manquent ou sont parfois imprécises.

Arbre généalogique revu et corrigé
 
Sources et méthode

 

  Pour compléter ces premiers travaux et remédier aux imprécisions voire aux erreurs qu’ils présentent, il était nécessaire de vérifier toutes les informations annoncées. Les dates d’Henri Vincenot sont correctes dans les trois ouvrages cités, et facilement vérifiables par ailleurs.

Quelles sont les sources fiables ?

 

    Partant de son état civil, il était ainsi possible de remonter à ses parents, et de là, aux grands-parents, et ainsi de suite.

   Les ascendants d’Henri Vincenot sont originaires de Côte d’Or à une exception près sur laquelle nous reviendrons – et même si son père, Charles [2], est né à Dole. Il suffit donc de consulter les archives départementales qui, par chance sont numérisées sur une très large période, pour trouver les documents d’état civil des membres de la famille. Si le manque d’informations (pas de lieu cité dans un acte, ou doute à cause d’homonymes) ne permet pas de poursuivre les recherches sans risquer l’erreur, le recours aux sites de généalogie amateurs peut être nécessaire, bien qu’insuffisant. Souvent imprécis ou lacunaires, ces sites permettent d’explorer des pistes et, parfois, de retrouver un aïeul dans un village voisin de ceux qui sont annoncés (notamment dans l’ouvrage de Michel Limoges). En somme, il faut tout faire pour disposer d’une source primaire, et ne pas risquer de reprendre une information inexacte.

   Afin de limiter le risque d’erreur – lié aux homonymes essentiellement – il semblait nécessaire de rassembler le plus d’actes d’état civil possible. Disposer au moins de l’acte de naissance, de l’acte de mariage, et de l’acte de décès pour chaque individu, avec, si possible, les listes finales qui récapitulent les divers actes annuels de l’état civil, voilà sans doute le moyen le plus sûr d’assurer la fiabilité des informations collectées.

Pourquoi remonter jusqu’aux trisaïeuls ?

 

  Une fois la méthode fixée, et les sources disponibles, se pose la question de la période historique à laquelle il convient de remonter. Par exemple Claudine Vincenot, dans La Vie toute crue, a choisi de remonter jusqu’aux années 1840, sans doute parce qu’elle n’évoque personne qui aurait vécu avant.

 

    Il est nécessaire de remonter au moins aux arrière-grands-parents [bisaïeuls] d’Henri Vincenot, pour atteindre l’objectif fixé dans l’introduction de cet article. Mais les erreurs de prénoms et même de nom commises dans l’arbre généalogique présenté par Michel Limoges appelaient à remonter plus loin, jusqu’aux arrière-arrière-grands-parents [trisaïeuls], afin de les comprendre.

   De plus, le premier ouvrage posthume de Vincenot, publié sous le titre Le Maître des abeilles (1987), devait être le premier volet d’une trilogie que l’écrivain voulait intituler « Chronique de Montfranc-le-Haut[8] ». « Montfranc » est le nom attribué au village de Châteauneuf-en-Auxois durant la Révolution française[9]. Dans la mythologie personnelle d’Henri Vincenot – ce que Michel Limoges entend certainement derrière le terme « Légende » - ce village de Châteauneuf/Montfranc revêt une très grande importance. Présent dans nombre de ses écrits, village d’où sont originaires ses grands-pères, il l’est tout autant pour sa vie[10]. Il est donc intéressant de chercher si ses racines castelneuviennes remontent à l’Ancien régime.

   Enfin, il faut remonter au début du XIXe siècle pour apporter de nouvelles informations sur l’ascendance Vincenot qui, comme nous l’avons vu, est problématique à partir des bisaïeuls.

Le cas Bonnaventure Vincenot

 

    L’exemple même des erreurs ou des vides laissés dans la généalogie de ceux qui, pourtant, ont donné à l’écrivain son patronyme, nous est donné dans l’ouvrage Cuisine de Bourgogne[11]. Paru en 1979 chez Denoël, ce livre présente, en guise de préface, des portraits de différents membres de la famille d’Henri Vincenot, en particulier de ceux qui sont mentionnés dans La Billebaude. Page 24, le portrait d’un certain Bonnaventure [12] Vincenot est mis en avant. En costume de zouave, cet homme est présenté comme « arrière-grand-père d’Henri Vincenot » (ibid.) Quant à Michel Limoges il présente Bonnaventure Vincenot comme « un arrière-arrière-grand-père de l’auteur de La Billebaude[4] », ce qui explique qu’il n’apparaisse pas sur son arbre.

Photographie de Bonnaventure Vincenot

Photographie de Bonnaventure Vincenot, tiré de l'ouvrage Cuisine de Bourgogne, Paris, Denoël, 1979, p. 24. Nous avons conservé la légende de la photographie qui en fait l'arrière-grand-père d'Henri Vincenot.

   En vérité Bonnaventure Vincenot est un arrière-arrière-grand-oncle[14] d’Henri Vincenot. Fils de Pierre Vincenot [16] et Jeanne Chapuzot [17], Bonnaventure est le frère aîné de François Vincenot [8], lequel est ainsi le véritable arrière-arrière-grand-père d’Henri Vincenot. François [8] est marié à Marie Gaillot [9] alors que Bonnaventure l’est à Anne Garnier ce qui explique la confusion patronymique relevée dans l’arbre de Michel Limoges.

   Comment une telle confusion a-t-elle pu naître ? Vincenot n’évoque pourtant Bonnaventure que dans Cuisine de Bourgogne et dans La Billebaude. Mais il le décrit succinctement comme « trisaïeul[15] » dans le roman. Le fait de disposer d’une telle photographie explique peut-être aussi la conclusion hâtive tirée sur le lien de parenté qui unit Henri Vincenot à cet arrière-grand-oncle, castelneuvien lui aussi.

   Ne serait-ce qu’en raison de ce cas particulier, il était nécessaire de remonter à la source et de vérifier et compléter les informations dont nous disposions. L’arbre suivant présente la meilleure version possible des données dont nous disposons.

Arbre généalogique d'Henri Vincenot (données d'état civil)

Arbre généalogique d'Henri Vicenot, réalisé à partir des données d'état civil (archives départementales de Côte d'Or principalement).

Analyse synthétique de l’arbre généalogique

 

  Pour plus de clarté les éléments relatifs aux mariages ne sont pas reproduits ici, mais sont consultables en annexe.

   De ces recherches ressort une nette prédominance du village de Châteauneuf-en-Auxois, habité au moins dès la fin du XVIIIe siècle par plusieurs couples d’arrière-arrière-grands-parents [trisaïeuls] d’Henri Vincenot. Vandenesse-en-Auxois, et surtout, Commarin sont également fort représentés. Ces villages, qui comptent dans La Billebaude, ont bel et bien une place d’importance dans les origines d’Henri Vincenot. Créancey ou Meilly-sur-Rouvres sont tout proches de Vandenesse-en-Auxois. Quant à Foissy et Painblanc, ils sont situés à peine plus au sud, proches d’Arnay-le-Duc. La Bussière-sur-Ouche, village auquel est rattaché le hameau de « la Peurie », a également vu naitre quelques aïeuls de Vincenot.

   Seuls Boncourt-le-Bois et Beaune, se situent en dehors de ce que Vincenot nomme « le Toit du Monde occidental », dont il situe le centre, sur la carte placée dans la préface de Cuisine de Bourgogne, précisément autour de Commarin et de Châteauneuf-en-Auxois[16]. Charles Vincenot naît à Dole sans doute du fait du métier de son père, qui « a passé sa vie active sur une locomotive[17] ».

  La « Montagne bourguignonne[18] », tant citée par Vincenot, est ainsi très fortement représentée parmi ses aïeuls.

Les vides à combler

L’arrière-arrière-grand-mère Jeanne Thugniot [23]

   Seule la date et le lieu de décès de Jeanne Thugniot [23], trisaïeule du côté paternel, n’ont pas pu être déterminés. Sa trace se perd à Vandenesse-en-Auxois en 1881. Elle n’apparait plus en effet dans le recensement suivant, daté de 1886. La consultation des actes de décès répertoriés entre 1881 et 1886 n’a cependant pas permis de la retrouver. Elle n’apparaît ni à Commarin, qu’elle habite en 1861, ni Créancey, commune où elle réside encore en 1866.

Barbe Choquier [29]

 

    Barbe Choquier [29] est née en Sarre, département français en 1805, comme cela est mentionné sur son acte de mariage et de décès. L’acte de mariage cite la ville de « Schweich », ville effectivement située dans l’ancien département français, tandis que l’acte de décès mentionne la ville de « Schweiz », inexistante en Sarre[19].

Conclusion

 

    Les données collectées et organisées sous la forme de l'arbre généalogique permettent donc de donner un aperçu de la part de réalité et de fiction qui coexistent dans La Billebaude, témoignage et roman. Il ne faisait aucun doute, par exemple, que le père du narrateur du roman, « tué dans l’enfer de Verdun[20] », n’a rien à voir avec Charles Vincenot, mort à quatre-vingt-dix-sept ans. A contrario il est très tentant de penser que le grand-père Alexandre est bel et bien décédé tandis que le narrateur « abord[e] les épreuves du baccalauréat[21] », parce que beaucoup d’informations données par le narrateur du roman sont exactes comparées à celles dont nous disposons sur celui qui est en définitive l’inspirateur d’un personnage. Il est plus symbolique, dans un roman qui décrit les changements brutaux des années 1920-1930, de perdre un grand-père au moment[22] où le narrateur met un pied dans le monde urbain et surorganisé, qui s’ouvre à lui une fois l’examen réussi, sorte de rite de passage dégradé excluant les membres de la famille. La mort d’Alexandre « Sandrot » intervient au début du neuvième chapitre, dans lequel apparaît « l’Éthiopien », escroc lié à l’affaire Stavisky qui ruine la région. Cet épisode est un point de bascule pour le roman : le chapitre suivant s’ouvre ainsi sur « le début des temps modernes » (p. 241). Avec Sandrot, c’est tout un monde qui disparaît.

   Henri Vincenot demeure donc fidèle à l’épigraphe de La Billebaude : voulant « s’effacer absolument derrière ses personnages » (p. 7), il entraîne dans sa démarche son propre père – réellement effacé de l’ouvrage – et la plupart de ses aïeuls, qui forment ainsi à eux tous « la campagne bourguignonne et l’Homme bourguignon » (ibid.).

Par Odin Georget

Notes

 

[1] Henri Vincenot, La Billebaude, Paris, Denoël, 1978, p. 45. Nous mettrons, dans cet article, les références de cet ouvrage entre parenthèses pour plus de commodité.

[2] Michel Limoges, Vincenot la légende, Laval, Siloë, 1991, p. 43. Nous mettrons, dans ce chapitre, les références de cet ouvrage entre parenthèses pour plus de commodité.

[3] Ibid., p. 43, premier et deuxième paragraphe.

[4] « Qu’est-ce donc ce livre alors ? Appelons cela une promenade. Sans vrai plan. À la billebaude, vous dis-je » (p. 15).

[5] Claudine Vincenot, Le Maître du bonheur, Paris, Anne Carrière, 1995, p. 13. Nous mettrons, dans cet article, les références de cet ouvrage entre parenthèses pour plus de commodité.

[6] Claudine Vincenot, La Vie toute crue, Paris, Anne Carrière, 2006, p. 18. Nous mettrons, dans ce chapitre, les références de cet ouvrage entre parenthèses pour plus de commodité.

[7] Par exemple Claudine Vincenot consacre la page 62 à Jeanne-Claudine Émonin [15], arrière-grand-mère maternelle de son père. Mais là encore, la date de naissance annoncée (1842) est imprécise à une année près (1841 dans les faits).

[8] Henri Vincenot, Le Maître des abeilles, Paris, Denoël, 1987, p. 7.

[9] Se référer en annexe à l’acte de naissance de François Nief [26] (p. 19), arrière-arrière-grand-père maternel d’Henri Vincenot : « Fait à Montfranc en présence de Jean Mondeau […]. »

[10] Nous nous bornerons ici à ne citer que l’épisode de la traque dont il fut victime après son évasion du siège de la Gestapo de Dijon. Il trouve refuge tout près du village qui, par son altitude, offre une vue très large de ce qui se passe dans la plaine. Se référer à Claudine Vincenot, La Vie toute crue, op. cit., p. 473.

[11] Henri Vincenot, Cuisine de Bourgogne, Paris, Denoël, 1980 (1979), p. 24.

[12] Le prénom est orthographié avec deux « n » sur l’acte de naissance et de mariage, avec un seul sur l’acte de décès, et encore avec deux dans Cuisine de Bourgogne.

[13] Michel Limoges, Vincenot la légende, op. cit., p. 53.

[14] Comme le prouve son état civil, disponible en annexe.

[15] Henri Vincenot, La Billebaude, op. cit., p. 43.

[16] Henri Vincenot, Cuisine de Bourgogne, op. cit., p. 54.

[17] Henri Vincenot, La Vie toute crue, op. cit., p. 58-59.

[18] Expression fort courant chez Vincenot. Nous citerons ici Cuisine de Bourgogne, op. cit., p. 39, et La Billebaude, op. cit., p. 299.

[19] L’orthographe de sa ville de naissance sur l’acte de décès est peut-être motivée par le nom de la mère, Anne Schweizer. Se référer aux annexes du chapitre, p. 18.

[20] Henri Vincenot, La Billebaude, op. cit., p. 22.

[21] Ibid., p. 227.

[22] Alexandre Vincenot [4] meurt en réalité en 1919, alors que son petit-fils est âgé de sept ans. Se référer aux annexes du chapitre, p. 18.

Bibliographie du chapitre

Ouvrages d’Henri Vincenot

 

VINCENOT Henri, La Billebaude, Paris, Denoël, 1978.

VINCENOT Henri, Cuisine de Bourgogne, Paris, Denoël, 1980 (1979).

VINCENOT Henri, Le Maître des abeilles, Paris, Denoël, 1987.

Ouvrages biographiques

 

LIMOGES Michel, Vincenot la légende, essai imparfait de biographie éclatée en onze chapitres et plusieurs divertissements, Laval, Siloë, 1991.

VINCENOT Claudine, Le Maître du bonheur, Paris, Anne Carrière, 1995.

VINCENOT Claudine, La Vie toute crue, Paris, Anne Carrière, 2006.

Annexes

Actes d’état civil cités dans le chapitre

Les membres de la famille sont classés par ordre alphabétique.

Alexandre Vincenot :

  • Acte de naissance :

https://archives.cotedor.fr/v2/ad21/visualiseur/ir_ead_visu_lien.html?ir=26564&id=752582035 (consulté le 17 mai 2024).

  • Matricule militaire :

https://archives.cotedor.fr/v2/ad21/visualiseur/indexation_collaborative.html?fonds=matricules&index=931026 (consulté le 17 mai 2024).

  • Acte de décès :

https://archives.cotedor.fr/v2/ad21/visualiseur/ir_ead_visu_lien.html?ir=26564&id=752910597 (consulté le 17 mai 2024).

Anne Nief :

  • Acte de décès :

https://archives.cotedor.fr/v2/ad21/visualiseur/ir_ead_visu_lien.html?ir=26564&id=754660517 (consulté le 17 mai 2024).

Barbe Choquier :

  • Acte de mariage :

https://archives.cotedor.fr/v2/ad21/visualiseur/ir_ead_visu_lien.html?ir=26564&id=754726065 (consulté le 17 mai 2024).

  • Acte de décès :

https://archives.cotedor.fr/v2/ad21/visualiseur/ir_ead_visu_lien.html?ir=26564&id=754660475 (consulté le 17 mai 2024).

Bonnaventure Vincenot :

  • Acte de naissance :

https://archives.cotedor.fr/v2/ad21/visualiseur/ir_ead_visu_lien.html?ir=26564&id=752581993 (consulté le 17 mai 2024).

 

Céline Simon :

  • Acte de décès :

https://archives.cotedor.fr/v2/ad21/visualiseur/ir_ead_visu_lien.html?ir=26564&id=752644114 (consulté le 17 mai 2024).

Charles Vincenot :

  • Acte de naissance et acte de décès (inscrit sur le même acte) :

https://archives39.fr/ark:/36595/0bgvc85fxql4/c815bbe4-3139-48c2-8733-f94c68aec6e4 (consulté le 17 mai 2024).

Claude Brocard :

  • Acte de naissance :

https://archives.cotedor.fr/v2/ad21/visualiseur/ir_ead_visu_lien.html?ir=26564&id=752674020 (consulté le 17 mai 2024).

 

Étiennette Mallard :

  • Acte de naissance :

https://archives.cotedor.fr/v2/ad21/visualiseur/ir_ead_visu_lien.html?ir=26564&id=752603718 (consulté le 17 mai 2024).

  • Acte de décès :

https://archives.cotedor.fr/v2/ad21/visualiseur/ir_ead_visu_lien.html?ir=26564&id=754967337 (consulté le 17 mai 2024).

François Nief :

  • Acte de naissance :

https://archives.cotedor.fr/v2/ad21/visualiseur/ir_ead_visu_lien.html?ir=26564&id=754638729 (consulté le 17 mai 2024).

François Vincenot :

  • Acte de naissance :

https://archives.cotedor.fr/v2/ad21/visualiseur/ir_ead_visu_lien.html?ir=26564&id=752581993 (consulté le 17 mai 2024).

Jeanne-Claudine Mallard :

  • Acte de décès :

https://archives.cotedor.fr/v2/ad21/visualiseur/ir_ead_visu_lien.html?ir=26564&id=754660833 (consulté le 17 mai 2024).

Jeanne Thugniot :

https://archives.cotedor.fr/v2/ad21/visualiseur/recensement.html?ir=23183&id=642628944 (consulté le 17 mai 2024).

Joseph Brocard :

  • Acte de naissance :

https://archives.cotedor.fr/v2/ad21/visualiseur/ir_ead_visu_lien.html?ir=26564&id=752582035 (consulté le 17 mai 2024).

  • Acte de décès : demande en cours.

 

Marie-Louise Maîtrejean :

  • Acte de décès : demande en cours.

 

Marguerite Brocard :

  • Acte de décès (sur acte de naissance) :

https://archives.cotedor.fr/v2/ad21/visualiseur/ir_ead_visu_lien.html?ir=26564&id=752603739 (consulté le 17 mai 2024).

Valentine Émonin :

  • Acte de décès : demande en cours.

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