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Décembre 2023

Publication de l'article « Les horizons culinaires d'Henri Vincenot, Bourguignon salé », dans la revue Rabutinages.
Photographie d'Henri Vincenot

Photographie d'Henri Vincenot. Fonds Vincenot, BPE de Dijon.

    Retrouvez l'article en son intégralité dans le trente-cinquième numéro de la revue Rabutinages (2023), aux pages 65-78.

    « Avant de composer un repas, qu’il soit modeste ou de gala, pensons donc qu’il doit être, pour le cuisinier, un acte de foi, et, pour le convive, une action de grâce[1]. » C’est par cette bénédiction finale qu’Henri Vincenot achève la préface d’un ouvrage collectif intitulé Cuisine de Bourgogne, qui paraît en 1979 chez Denoël, pour la collection « Cuisines de terroir ».

    Perçu par son auteur principal comme un « complément culinaire de La Billebaude[2] », l’ouvrage Cuisine de Bourgogne occupe une place particulière dans l’œuvre littéraire d’Henri Vincenot : cet ouvrage collectif – qui rassemble en effet le savoir culinaire de plusieurs générations des familles d’Henri Vincenot et de son épouse, Andrée Barouin – est plus qu’un livre de compilation précise de recettes. Malgré son titre généraliste, sans doute rendu nécessaire par la collection, cet ouvrage est l’occasion pour Vincenot d’esquisser un nouveau portrait de sa famille, à renfort de documents photographiques, et de son pays, le « Toit du Monde occidental », représenté par une carte de la main de l’auteur, et de présenter non pas seulement l’esprit gastronomique de toute une région, mais aussi un horizon personnel qui est partie intégrante de son œuvre.

    C’est également la possibilité pour lui d’illustrer, sous une forme pratique, ce qu’il avait jusqu’alors distillé ponctuellement dans chacun de ses romans. Des tours joués aux occupants allemands par Glaude Bourguignon[3], résistant de la bonne chère en temps de guerre, au « morceau de boyau toujours vide[4] » du narrateur de La Billebaude, petit-fils de braconnier, en passant par le festin gargantuesque de fin des vendanges « la paulée » dans la nouvelle éponyme[5], Vincenot dépeint de multiples façons l’art de la table, et portraitise sans cesse ses divers protagonistes.

    Le motif culinaire dans l’œuvre d’Henri Vincenot ne se réduit cependant pas à la déclinaison renouvelée d’un motif inchangé : l’œil de l’écrivain – ou du peintre, qui fait de ses « fresques de Santenay » une imagerie du festin paysan, lequel passe par les rituels de la chasse, de la vendange – mêle à ces représentations la conscience de travailler une matière qui touche, au-delà de la mise en fiction de traits de caractère bourguignon, à « l’esprit, la mémoire[6] », qui est, en somme « bien plus une philosophie qu’une technique[7] ».

    Élevé au rang d’art comme l’expression de l’« amour de la vie[8] » par Henri Vincenot, qui n’hésite pas à affirmer que la composition d’un repas « est du même ordre que créer un poème, une symphonie, un tableau[9] », l’art culinaire occupe une place centrale dans l’œuvre intégrale de cet auteur, qui se décrit volontiers comme imagier (songeons à son affiche pour la Saint-Vincent tournante de Pommard en 1981, ou à ses nombreux paysages de scènes de la vie paysanne). Il conviendra donc de préciser la nature du cheminement qui conduit Henri Vincenot, « Bourguignon salé[10] », à élever l’art culinaire au rang de mystique, premier signe de la renaissance du hameau perdu, dans La Billebaude et symbole de la naissance de l’union très autobiographique du narrateur et de la femme aimée.

Par Odin Georget

 

[1] Famille Vincenot, Cuisine de Bourgogne, Paris, Denoël, « Cuisines du terroir », 1979, p. 53.

[2] Claudine Vincenot, Henri Vincenot, La Vie toute crue, Paris, Anne Carrière, 2006, p. 628.

[3] Henri Vincenot, Le Livre de raison de Glaude Bourguignon, Paris-Précy-sous-Thil, Denoël-Les Éditions de l’Armançon, 1989.

[4] Henri Vincenot, La Billebaude, Paris, Denoël, « Folio », 1982, p. 165.

[5] Henri Vincenot, Récits des friches et des bois, Paris, Anne Carrière, « Le Livre de poche », 1997, « La Paulée », p. 87-104.

[6] Famille Vincenot, Cuisine de Bourgogne, op.cit., p. 42.

[7] Ibid., p. 52.

[8] Ibid.

[9] Ibid.

[10] Henri Vincenot (entretiens : Alfred Mignot ; photographies : Gyula Zarand), Ma Bourgogne, le Toit du monde occidental, Paris, Jean-Pierre Delarge, « Terres de mémoire », 1979, p. 144.

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